Le 2 mars 1945, la 70eme DIUS est prte attaquer les villes frontalires du secteur de Forbach, Stiring-Wendel et Verrerie-Sophie. Stiring-Wendel reprsentait l'objectif principal du 274e RIUS avec sa puissante ligne de fortifications de la ligne Siegfried. Juste la sortie des couverts du bois pais, nous sommes la cible d'un violent tir d'artillerie lourde allemande. Au tout dbut de l'assaut, il semble que le plus anodin de nos mouvements attire les obus. J'tais mitrailleur dans une escouade de mitrailleuses lourdes. L'effectif de notre petite unit avait t rduit lors des combats de fvrier sur les hauteurs de Spicheren ; initialement 5 hommes, nous ne sommes plus que 2, Al Vargo et moi. Nous avanons lentement travers l'paisseur des bois. Je transporte la mitrailleuse, une carabine et deux botes de bandes de mitrailleuse. Soudain, des obus de mortier pleuvent de tous cts. Mon premier rflexe est de chercher un trou. Le plus proche consiste en une lgre dpression, dans laquelle je plonge. Comme tous les fantassins du monde, je sais comment me faire tout petit. Chaque muscle est contract, l'air chass de mes poumons. Tout mon corps s'effondre sur lui mme d'une manire que seuls connaissent ceux qui ont t au feu. Je jette un coup d'oeil droite. Le sergent Herman Trier est couch dcouvert, et je lui crie de se rapprocher de moi. Il rapplique en quatrime vitesse en me remerciant. J'entends des blesss appeler les infirmiers. Juste devant moi, Bill Belden, un mitrailleur, a un comportement trange. Il semble sangloter en tapant des poings sur le sol. Je l'appelle, mais il ne me rpond pas. Je ralise alors qu'il est en train de craquer psychologiquement sous la pression de bombardement. On entend les shrapnells faucher les branches des arbres qui vous tombent dessus en une pluie drue. Le sergent Harold Kline, est un peu en avant de nous. Il tire dans la valle en contrebas o il voit des allemands dans les rues, et il affirme en avoir eu quelques uns. L'intensit des tirs d'artillerie faiblit quelque peu, alors que je me ttais pour le rejoindre afin de lancer quelques rafales. Mais ce moment, je l'entends crier qu'il est touch. Je l'appelle mais il ne rpond pas. Je crains le pire, puis je le vois boiter, se servant de sa carabine comme d'une canne. Il s'assoit prs de moi, je peux voir sa jambe ensanglante. Des clats d'obus ont pntr sa rangers. Des infirmiers s'occupent de lui. Alors qu'ils le couchent sur la civire, ils lui demandent son arme, mais Kline refuse de la donner ; il est emport vers l'arrire, se cramponnant son arme, vraiment un bon soldat. Le sergent Trier prend le commandement de l'unit. C'est un Sous-officier solide, intelligent, qui semble avoir le diable au corps. Nous sommes donc en position dans une maison la lisire de la ville. L'escouade se repose dans une pice situe au niveau du sol. Tout coup, l'un des gars prvient que des 88 se dirigent vers notre maison. Je regarde dehors: pour sr, les obus se dirigent droit sur nous par salve de trois. Les gars se jettent immdiatement dans les caves. Je m'aperois que Trier est allong sous une fentre, sans bouger. Je l'appelle. Il me dit : va au diable, je reste ici . Je le laisse. Un gros craquement branle l'immeuble. Le bombardement s'arrte. Je remonte en courant. Trier est en train de se relever, sa carcasse toute blanchie du pltre effondr du plafond. Je lui crie : a va ? .
Il me rpond : j'entends rien . Il avait les tympans crevs par l'explosion. La porte est remplace par un grand trou. Je lui dis : t'es cingl ?
a va pas assez mal comme a, faut que t'en rajoutes ? et me rpond la mme chose que tout l'heure, avec la mme attitude hautaine. Je regarde autour de moi. Quatre ou cinq hommes ont t touchs. C'est toutefois surprenant car je m'attendais voir le sol couvert de corps. Un GI remonte le sentier avec quatre prisonniers en file indienne. Je le reconnais comme un gars de la compagnie G. Je le salue de la tte. Il me dit qu'il ramne ces choucroutes vers l'arrire. Il me dit, les larmes aux yeux, qu'ils n'auraient pas d survivre. Ces Allemands avaient lev le drapeau blanc. Trois hommes de son escouade sont sortis de leurs couverts et se sont fait tirer dessus par d'autres tireurs embusqus. Tous les trois ont t touchs. Il poursuit son chemin avec ses prisonniers, et je me suis souvent demand s'ils sont vraiment arrivs jusqu'au PC... Le nombre mystrieux est 327SDH22
Al Vargo et moi mettons en place notre mitrailleuse et tirons dans la valle. On peut observer des mouvements. Ils sont environ 650 700 mtres, mais il est impossible de dire si nos tirs portent. Un affreux bruit strident remplit l'espace. Vargo et moi changeons un regard plein d'effroi tout en nous dirigeant vers le fond de notre trou. Une explosion terrible ; ce sont les fameux screaming Meemies , les roquettes allemandes (Nebelwerfer). Nous progressons lentement, maintenant sous le feu d'armes individuelles et de l'artillerie. On est souvent obligs de se plaquer au sol quand les obus explosent autour de nous. Et heureusement que les tirs d'infanterie visent haut. Alors que je tire pleine puissance vers le bas, je remarque que mon pantalon est dchir de la hanche la cheville. Je me demande comment j'ai pu russir un coup aussi fumant ! J'examine ma jambe, elle a l'air en bon tat. Nous continuons notre progression par bonds vers le bas d'une pente trs aigu jusqu' une maison moiti dmolie, o nous nous postons rapidement une fentre du rez de chausse. Devant nous, plusieurs centaines de mtres terrain dcouvert, puis un petit bois d'o les Allemands nous tirent dessus. Nous arrosons consciencieusement les arbres et les tirs s'arrtent. Nous avons pris la prcaution de retirer les balles traantes de nos bandes, car nous ne voulons pas tre reprs par l'ennemi. Nous sommes en train de prendre un repos bien mrit, allongs sur le sol, quand nous sommes alerts par des mouvements dans les champs devant notre position et sur la nationale qui passe juste devant la maison. Ce qui est sr, c'est que des hommes sont en train de se traner et de ramper vers nous. Mais d'aprs leur manire de s'approcher de nous, nous sommes certains qu'il ne s'agit pas d'une attaque allemande. Des mitrailleuses ouvrent le feu. Les premiers hommes que je peux voir, pour autant que c'en soient, sont des squelettes vivants, habills de haillons ; ils atteignent notre maison et s'affalent sur le sol pour reprendre leur souffle. Ce semblait tre des travailleurs, de toutes nationalits, enrls de force. Les Allemands les ont relchs, puis ils ont tir dans le tas laissant de nombreux morts et blesss. On peut observer la prsence de nombreux corps dans les champs et sur la route. Nous prenons soin d'eux dans la mesure de nos moyens, partageant notre eau et nos rations. Un pauvre bougre semble avoir du mal. J'essaye de lui donner un peu d'eau, mais la plupart s'coule terre. L'un des infirmiers me conseille de garder mon eau, l'homme tant sur le point de rendre son dernier soupir. Avec Vargo, nous effectuons des tirs de couverture pour essayer d'aider les hommes qui continuent d'arriver sur notre position, mais nous entendons toujours au loin la cadence de tir rapide des mitrailleuses allemandes. Des hommes sont toujours en train de mourir autour de nous. Je hassai les Allemands de prendre pour cible des hommes si affaiblis. Nous avons appris plus tard qu'il s'agissait de prisonniers de guerre utiliss comme travailleurs de force.

Photos © Conley

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